Ne laissez pas Mr Propre dans votre assiette

Dernière mise à jour: 6 décembre 2017 13 Commentaires

Cet article est le troisième d’une série sur les défenses des végétaux. Commencez depuis le début avec celui-ci.

Dans l’article précédent, vous avez découvert que les plantes bricolent à la perceuse avec vos intestins. Aujourd’hui vous allez découvrir qu’elles jouent à Mr Propre avec vos cellules. Car entre saponines et inhibiteurs de protéase, le ménage est bien fait : vous ne pouvez plus absorber de nutriments.

saponine inhibiteur de protease Mr Propre

Les végétaux peuvent être aussi efficace que Mr Propre

Les saponines : elles ne vous passent pas qu’un savon

Comme vous ne vous souvenez sans doute pas de votre cours de chimie de terminale (qui s’en souvient?) la saponification est le processus de fabrication du savon. Les saponines ont hérité de ce nom car elles sont présentes en grande quantité dans la plante qui servait historiquement à fabriquer du savon (1).

Toutes les plantes contiennent diverses concentration de saponines. Mais celles qui en contiennent le plus sont les légumineuses. Le problème est que les saponines ont une action détergente, c’est à dire qu’elles dissolvent la membrane des cellules. C’est bien pratique pour se débarrasser des insectes prédateurs. Mais lorsque ce dernier c’est vous, cela vaut le coup de regarder le problème d’un peu plus près.

Typiquement, les saponines interagissent avec le cholestérol des membranes des cellules de vos intestins, rendant ces cellules poreuses. (2, 3, 4, 5). D’autres substances peuvent alors pénétrer dans le système sanguin (le résultat est le même qu’avec les lectines).

Cependant, ce mécanisme peut être utile pour aider à une meilleure absorption des minéraux. Ce qui serait le cas par exemple avec les épinards permettant une meilleure absorption du calcium (1). En effet, si les « trous » effectués dans les cellules restent petits (ce qui semble être le cas avec les faibles doses de saponines des fruits et des légumes), alors tout va bien. Mais si vous vous chargez en grande quantité (par exemple en consommant souvent des légumineuses ou des pseudo céréales qui contiennent beaucoup de saponines) alors vous allez rendre vos intestins telle une passoire. Et lorsque les saponines intègrent le système sanguin, elles causent l’hémolyse (la destruction) des globules rouges (6, 7, 24, 25).

Le problème des saponines des légumineuses est que la cuisson ne les détruit pas. Après avoir bouilli pendant 2 heures, 85 à 100% des saponines de la plupart des légumineuses restent intactes (8). En revanche, la fermentation traditionnelle réduit la quantité de saponines notamment avec le soja (9). Concernant le soja, faites attention aux produits enrichis en protéines de soja. Les saponines se lient aux protéines lors de l’extraction, ce qui rend ces protéines très riches en saponines (10,11).

Les saponines sont une raison de plus de limiter les légumineuses. Une trop grande consommation apporte une grande quantité de saponines dont vous connaissez maintenant les effets.

De plus, l’action des saponines inhibent d’importantes enzymes (12) essentielles à la bonne absorption des nutriments, à la croissance et à la réparation des cellules. Les enzymes digestives comme la trypsine et la chymotrypsine, sont aussi affectées par les saponines. Vous allez voir de suite pourquoi c’est important.

Les inhibiteurs de protéases : Ils fatiguent votre pancréas

Les protéases sont les enzymes qui digèrent les protéines. Déjà que les protéines des céréales sont difficiles à digérer, les autres défenses de la plante entravent encore la digestion en inhibant les enzymes qui pourraient commencer le travail.

Les céréales, les légumineuses, les pseudo céréales, contiennent des inhibiteurs de protéase. Mais aussi les noix, les légumes de la famille des tomates (c’est à dire aubergines, poivrons, piment, pomme de terre) et divers fruits et légumes. Mais rassurez-vous, la cuisson désactive la majorité des inhibiteurs de protéases. Environ 80 % des inhibiteurs de protéases de la plupart des légumineuses sont détruits à la cuisson (14, 15).

Mais le problème des inhibiteurs de protéases touche les alimentations basées sur les légumes cru (comme les crudivores végétarien). Dans ce cas, les personnes consomment de plus grandes quantités d’inhibiteurs de protéases qui se retrouvent intacts dans le système digestif par l’absence de cuisson.

Mais quel est le problème avec ça?
Outre une moindre biodisponibilité des protéines végétales, le pancréas secrète plus d’enzymes digestives pour dégrader les protéines en acide aminés et absorber ces derniers. Mais si ces enzymes ne sont pas efficaces à cause des inhibiteurs, l’absorption d’acide aminés est moindre et donc le pancréas va sécréter d’autant plus de d’enzymes (ça vous rappelle quelque chose? Comme l’insensibilité à l’insuline?).

D’un coté, si la trypsine (une enzyme) est sécrétée en trop grande quantité, elle contribue à rendre l’intestin poreux, ouvrant la porte aux intrus vers le système sanguin.
D’un autre, pour produire autant de protéase, le pancréas multiplie le nombre de ces cellules (hyperplasie) et leur taille (hypertrophie). Lorsque c’est ponctuel ou temporaire, le pancréas s’en sort bien. Mais lorsque c’est continue ou chronique, une pancréatite ou un cancer peut survenir (9, 16,17).

Mais la légumineuse à laquelle il faut prêter le plus d’attention est le soja. Les inhibiteurs de protéases sont non seulement plus nombreux que dans les autres produits, mais ils sont plus résistants à la cuisson (13). Seule la fermentation (permettant de fabriquer le miso, le natto notamment) les désactive totalement. Et comme évoqué dans la section sur les saponines, les produits enrichis en protéines de soja contiennent de grande quantité d’inhibiteurs de protéase (18-23).

Conclusion

Vous avez une vision plus étendue de l’arsenal que possèdent les végétaux.
Les inhibiteurs de protéase ne sont pas un problème dans une alimentation variée. Mais pour les végétariens grand consommateurs de soja non fermenté et de produits crus, les quantités de saponines et d’inhibiteur de protéase s’additionnent.

Le prochain article terminera ce tour d’horizon des anti-nutriments des végétaux. Vous y apprendrez enfin comment ils bloquent l’absorption des minéraux et pourquoi certaines personnes ont une réaction forte à certains végétaux.

Références

[1] Université de Cornell
[2] Rao AV, Sung M-K. Saponins as anticarcinogens. J Nutr, 1995, 125 717S-724S
[3] Pathirana C, Gibney MJ, Taylor TG. Effects of soy protein and saponins on serum and liver cholesterol in rats.Atherosclerosis, 1980, 36,595.
[4] Sidhu GS, Oakenfull DG A mechanism for the hypocholesterolemic activity of saponins. Br J Nutr, 1986, 7, 55, 643.
[5] Johnson IT, Gee JM, Price K, Curl C, Fenwick GR. Influence of saponins on gut permeability and active nutrient transport in vitro. J Nutr. 1986 Nov;116(11):2270-7.
[6] Hronek M, Benes P. Horsky J. The effect of saponinium album Merck on changes in the hemolytic resistance of erythrocytes in relation to age in healthy persons. Cas Lek Cesk, 1989. 128, 22, 685-687. Medline abstract. Article in Czech.
[7] Baumann E, Stoya G, Völkner A, Richter W, Lemke C, Linss W. structure. Acta Histochem. 2000 Feb;102(1):21-35.
[8] Ruiz RG, Price KR, Arthur AE, Rose ME, Rhodes MJ, Fenwick RG. Effect of soaking and cooking on saponin content and composition of chickpeas (Cicer arietinum) and lentils (Lens culinaris). J Agric Food Chem 1996;44:1526-30.
[9] Liener IE (1994) “Implications of antinutritional components in soybean foods.” Crit Rev Food Sci Nutr., vol. 34, pp. 31-67.
[10] Anderson RL, Wolfe WJ. Composition changes in trypsin inhibitors, phytic acid, saponins and isoflavones related to soybean processing. J Nutr, 1995, 125, 581S- 588S,
[11] Fenwick DE, Oakenfull D. Saponin content of food plants and some prepared foods. J Sci Food Agric, 1983, 34, 186-191.
[12] Birk, Puri.176-177.
[13] Daniel, Kaayla T. The Whole Soy Story (New Trends, 2005) 195-212
[14] Collins J L, Beaty B F 1980 Heat inactivation of trypsin inhibitor in fresh green soybeans and physiological responses of rats fed the beans. J Food Sci 45 542-546.
[15] Buera M P, Pilosof A M R, Bartholomai G B 1984 Kinetics of trypsin inhibitory activity loss in heated flour from bean Phaseolus vulgaris. J Food Sci 49 124-126.
[16] Roebuck BD, Kaplita PV, MacMillan DL. Interaction of dietary fat and soybean isolate (SBI) on azaserineinduced pancreatic carcinogenesis. Qual Plant foods Hum Nutr, 1985, 35, 323-329.
[17] Rackis JJ, Gumbmann MR. Protease inhibitors physiological properties and nutritional significance. In Robert L. Ory, ed.Antinutrients and Natural Toxicants in Foods (Westport, CT, Food and Nutrition Press, 1981), 203-238.
[18] Anderson RL, Wolfe WJ. Compositional changes in trypsin inhibitors, phytic acid, saponins and isoflavones related to soybean processing. J Nutr, 1995, 125, 581S- 588S.
[19] Miyagi Y, Shiujo S. Trypsin inhibitor activity in commercial soybean products in Japan. J Nutr Sci Vitaminolo (Tokyo), 1997, 43, 5, 575-580.
[20] DiPietro CM. Liener IE. Soybean protease inhibitors. J Food Sci, 1989, 54, 606-609.
[21] Peace RW, Sarwar G et al. Trypsin inhibitor levels in soy-based infant formulas and commercial soy protein isolates and concentrates. Food Res Int, 1992, 25, 137- 141.
[22] Roebuck BD. Trypsin inhibitors: potential concern for humans, J. Nutr, 1987, 117, 398-400.
[23] Doell BH, Ebden CJ, Smith CA. Trypsin inhibitor activity of conventional foods which are part of the British diet and some soya products. Qual Plant Foods Human Nutr, 1981, 31, 139-150.
[24] Francis G, Kerem Z, Makkar HP, Becker K. The biological action of saponins in animal systems: a review. Br J Nutr. 2002 Dec;88(6):587-605.
[25] Gee JM, Johnson IT. Interactions between hemolytic saponins, bile salts and small intestinal mucosa in the rat. J Nutr. 1988 Nov;118(11):1391-7.

13 commentaires

mag dit: 25 juin 2014 à 9 h 09 min

excellent article !! bravo
j’ai malheureusement connu un ami qui a mangé macrobiotique toute sa vie et qui est mort d’un cancer du pancréas. Il a toujours été faiblard, rachitique, palôt, peu énergique, comme la majorité des végétaliens que je connais…
Le grand docteur Seignalet, adepte du tout cru (même protéines animales) qui pourtant avait supprimé légumineuses et céréales (mais pas le soja, je crois), a épuisé lui aussi son pancréas…
J’avoue que je mange mes légumes plutot crus, en salades, car je n’aime pas la consistance du cuit, ramolli, je trouve tellement dommage de perdre la majorité des vitamines…Mais étant omnivore, ma source de produits animaux plutot très variée, il faut rappeler que ces produits là possèdent TOUTES les vitamines hormis la C, ça explique peut-être le meilleur équilibre légumes crus-viande cuite.
Et bien entendu, il faut rappeler que l’ennemi public n°1 de l’intestin poreux, c’est le couple caséine-gluten.
Donc la priorité reviendrait à supprimer lait, céréales et légumineuses (et du coup je ne vois pas comment un végétalien peut avoir une santé satisfaisante)

noella dit: 25 juin 2014 à 10 h 30 min

Merci pour ces explications,c’est toujours très intéressant de savoir pourquoi et comment certains aliments qu’on pourrait croire bon pour la santé(le soja a souvent été paré de mille vertus)se révèlent en fait bien nocifs pour nous!Bravo et merci pour tes articles que j’apprécie beaucoup.

Franck dit: 25 juin 2014 à 11 h 11 min

Bonjour,

En ce qui concerne le soja, il y a également le tempeh, c est des graines de soja fermentées qui sont liées entre elles par l action d un champignon, cette fermentation devrait normalement désactiver les inhibiteurs de proteases.
J ai également une question en ce qui concerne le ghee. Lorsque je mangeais du fromage, seulement au lait cru, je n arrivait pas à perde la petite graisse que j avais au niveau du ventre. Cela fait deux semaines que j ai supprimé tous produits laitiers et hop, elle disparaît. Suite à plusieurs articles paléo sur les bienfaits du ghee, je me demande si je peux en prendre sans risque ou est ce qu il y aura les mêmes effets que le fromage au lait cru. De plus, mon intestin va beaucoup mieux, tout le processus de la digestion est plus facile.

Merci

Franck

    julien dit: 30 juin 2014 à 13 h 10 min

    Bonjour Franck

    Le ghee est censé n’avoir rien d’autre que les matières grasses.
    S’il est bien filtré, tu n’auras pas de problèmes.

Claire dit: 27 juin 2014 à 15 h 47 min

Merci infiniment pour la clarté de tes explications, ça remet clairement en question bien des habitudes pronées comme saines… mais ça ne nous empêchera pas dexnous régaler, le poivron mariné après passage au four, c’est nettement meilleur que cru et plus digeste, pour beaucoup de personnes qui ignorent tout des inhibiteurs de protéases… Merci aux commentateurs aussi, moi qui suis gourmande et préfère encore plus le tempeh et le miso, au block de soja blanc, qui manque de goût, pour mes papilles, je suis bien contente de savoir que je peux taper dedans sans souci… le soja fermenté intervient dans tellement de succulents plats asiatiques que s’en priver m’aurait demandé un effort certain…

    Franck dit: 28 juin 2014 à 10 h 28 min

    Bonjour claire

    As tu déjà fait du curry de tempeh au lait de coco ou du saumon laqué au miso blanc, c est un délice 😉

      Claire dit: 28 juin 2014 à 10 h 58 min

      Scrontch… balance les recettes stp… moi pendant ce temps, je te cherche les poivrons farcis à la mexicaine et la soupe miso aux coques 🙂

Franck dit: 28 juin 2014 à 11 h 28 min

Les ingrédients :

200 ml de lait de coco
200 g de tempeh
1 gousse d’ail
1 cuil soupe de sauce de soja
1 pincée de sel
1 cuil café de curry (madras pour moi)
1 cuil café de curcuma
1 pincée de piment de cayenne (plus, selon les goûts)
La préparation :

Dans une casserole, verser le lait de coco, les différentes épices. Emincer la gousse d’ail et l’ajouter à ce mélange. Couper en dés le tempeh et l’incorporer également. Cuire à feu doux pendant une quinzaine de minutes. Servir.

Personne je fais un mélange coriandre cumin curcumin en poudre, gimgembre et ail frais avec un peu de poivre;)

Franck dit: 28 juin 2014 à 11 h 30 min

Saumon laqué au miso

Pour 2 personnes

2 pavés de saumon
1 c. à soupe rase de pâte de miso (blanc pour moi, mais celui que vous voulez!)
1 c. à café de miel
1 c. à soupe de mirin

C’est tout! Pas besoin de rajouter de sel, de poivre ou autre assaisonnement, ici c’est le miso qui fait tout.
Mélangez tous les ingrédients pour former une pâte un peu épaisse (si c’est trop épais, rajoutez du mirin, j’avoue que je fais toujours un peu au pif). Badigeonnez les pavés de saumon avec cette sauce, et enfournez pour 15 minutes à 200°C (plus ou moins selon comment vous l’aimez : mi-cuit ou bien cuit…15 minutes pour moi c’est parfait!)
Vous pouvez versez un trait de jus de citron à la sortie du four si vous en avez.
Servez avec des nouilles soba (simplement cuites à l’eau non-salée pendant 5-6 minutes puis rincées), et des graines germées qui vont particulièrement bien avec ce genre de plat je trouve 😉

Pour la cuisson, je fais à 100°C, c est plus long mais le saumon reste bien moelleux et pas sec, pour le temps de cuisson, y en a pas puisque qu à cette température il ne peut pas brûler, c est à l’instinct 😉

Ben dit: 10 août 2014 à 15 h 55 min

Doit-on en conclure que le fenugrec n’est pas paléo ?

Cointe dit: 14 février 2020 à 9 h 15 min

Bonjour,
Merci pour ce long article.
Comment faire pour passer à l’alimentation paléo lorsqu’on est végétarien ?
Vous ne dites rien sur les laits de chèvre et brebis. Peut-on les consommer ?

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